Page:Zola - Vérité.djvu/715

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

définitivement fermée. À Maillebois, l’abbé Coquard ne faisait même plus ouvrir les portes de Saint-Martin, officiant seul à l’autel, ne trouvant pas de clerc pour servir la messe. Et la chapelle des Capucins, si étroite, suffisait donc aux quelques personnes qui pratiquaient toujours, gardant jusqu’au bout sa vogue de comptoir à miracles, avec sa grande statue de saint Antoine de Padoue dorée et peinturlurée, debout parmi les fleurs artificielles et les cierges.

Ce jour-là, justement, on fêtait le saint, une commémoration dont l’éclat avait attiré une centaine de fidèles. Cédant aux instances du père Théodose, le père Crabot, qui ne quittait plus la Désirade où il devait installer une fondation pieuse, s’était décidé à honorer la solennité de sa présence ; et ils étaient là tous les deux, l’un officiant, l’autre assis sur un fauteuil de velours, au pied de la statue du grand saint, dont on sollicitait la toute-puissance miraculeuse, pour qu’il obtint de Dieu la grâce de quelque cataclysme, emportant d’un coup l’infâme et sacrilège société nouvelle. C’était alors que l’orage avait éclaté, une terrifiante nuée d’encre au-dessus de Maillebois, des éclairs qui semblaient ouvrir au paradis les fournaises infernales, des éclats de foudre pareils aux salves d’une artillerie géante, bombardant la terre. Le père Théodose avait ordonné de sonner les cloches, un entêté carillon s’élevait de la chapelle à toute volée, comme pour indiquer à Dieu sa maison, afin qu’il la protégeât. Et ce fut l’extermination, un effroyable coup de tonnerre frappa la cloche, suivit la corde, vint éclater dans la nef, avec un retentissement de ciel qui s’écroule. Le père Théodose, incendié à l’autel, flamba ainsi qu’une torche. Les vêtements sacerdotaux, les vases sacrés, le tabernacle lui-même, se trouvèrent fondus, réduits en miettes. Mais, surtout, le grand saint Antoine, brisé, mis en poussière, recouvrit le père Crabot foudroyé, dont il