Page:Zola - Vérité.djvu/723

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

François et Thérèse venaient d’être nommés instituteur et institutrice de cette école de Maillebois, dans laquelle trois générations s’étaient succédé de la sorte, les petits-enfants après les pères et les mères, les grands-pères et les grands-mères.

Cette joie de vivre côte à côte, en grande affection, durait depuis deux années, lorsque tout un drame désola la famille. François, dans toute la force de ses trente-quatre ans, jusque-là si tendre pour sa femme Thérèse, s’éprit d’une jolie fille, un de ces désirs fous qui dévastent un homme. Colette Roudille, qui avait vingt-huit ans déjà, était la fille d’une veuve très dévote, morte récemment ; et on la disait née des œuvres du père Théodose, l’ancien directeur de sa mère, dont elle avait la ressemblance, une tête admirable, une bouche de sang et des yeux de flammes. La veuve vivait d’une rente que son fils aîné, Faustin, de douze ans plus âgé que sa sœur, avait entamée fortement, laissant tout juste à celle-ci de quoi manger du pain. Aussi le petit groupe qui restait de l’ancienne et puissante faction cléricale, maîtresse autrefois du pays, s’était-il intéressé à lui. On avait fini par lui trouver une situation, il était depuis quelques mois gardien du domaine de la Désirade, mangé de procès, à la suite de la mort du père Crabot, et que les communes voisines allaient acheter pour en faire une Maison du peuple, un parc de convalescence et de repos, sur le modèle de Valmarie, l’ancien collège des jésuites, transformé déjà en un délicieux asile où les ouvrières du pays se remettraient des couches trop laborieuses. Et Colette vivait donc seule à Maillebois, presque en face de l’école, très libre d’allure, et il était certain que la flamme de ses beaux yeux, les rires de ses lèvres rouges avaient beaucoup aidé au coup de passion qui affolait François.

Une première fois, Thérèse le surprit. Une colère douloureuse la