Page:Zola - Vérité.djvu/746

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elles d’achever l’œuvre, en mettant dans leurs droits reconquis, dans cette culture qui faisait d’elles des personnes libres, beaucoup de sagesse et de bonté ?

Alors, Marc eut l’idée de réunir toute la famille à l’école, dans cette grande salle des classes où lui-même avait enseigné, où Joseph et François avaient enseigné après lui. Et cette réunion n’alla pas sans une certaine solennité, une après-midi de la fin de septembre, par un clair soleil qui baignait de doux rayons le bureau du maître, les bancs des élèves, les tableaux et les images accrochés au mur. Sébastien et Sarah vinrent de Beaumont. Clément et Charlotte arrivèrent de Jonville, avec leur fille Lucienne. Et, averti depuis quelques jours, Joseph était rentré de voyage la veille, très affecté de tout ce qui s’était passé pendant son absence. Enfin, Marc lui-même et Geneviève se rendirent au rendez-vous, avec Louise et Joseph, en amenant François, que sa femme Thérèse et sa fille Rose attendaient dans la classe. On était douze, et il y eut d’abord un grand silence.

— Ma chère Thérèse, dit Marc, nous ne voulons pas peser sur tes sentiments, et nous ne sommes ici que pour causer en famille… Sans doute, tu souffres dans ton cœur. Mais tu n’as point connu le grand déchirement, lorsque l’époux et l’épouse semblaient venir de deux mondes différents et s’apercevaient un jour qu’un abîme les séparait, comme si jamais ils ne devaient se rejoindre. Aux mains de l’Église, la femme, serve encore, était restée un instrument de torture pour l’homme, libéré déjà. Que de larmes ont été répandues, que de foyers se sont trouvés détruits !

Le silence recommença, puis Geneviève, très émue, dit à son tour :

— Oui, mon bon Marc, je t’ai bien méconnu, bien torturé autrefois, et tu as raison de rappeler ces années mauvaises, je ne puis en être blessée aujourd’hui,