Page:Zolla - La greve les salaires et le contrat de travail.djvu/284

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Voilà donc, selon ces auteurs, quelles sont les conséquences de la liberté des conventions proclamée et défendue par le Code civil ! Est-il permis d’oublier que les salaires et la condition matérielle de l’ouvrier se sont graduellement élevés depuis un siècle ? Faut-il admettre, avec ces jurisconsultes, que l’Etat est capable de décréter le bien-être pour tous, de multiplier la richesse et d’en fixer la répartition ?

« Parfois[1], à l’idée de justice, doivent s’ajouter des sentiments d’humanité et de pitié ; M, Boutroux a fait très justement observer tout récemment à l’Académie des Sciences morales, dans la discussion sur la portée et l’exactitude des doctrines nouvelles du quasi-contrat et de la solidarité, qu’il n’était pas philosophique de vouloir que les lois se fondent exclusivement sur des idées et ne relèvent jamais des sentiments ! »

Bien loin de partager ces opinions, nous pensons qu’on ne saurait protester contre elles avec trop de vigueur.

Les partisans de l’intervention de l’État dans le domaine économique n’ont pas le monopole des pensées généreuses, et de cette justice du cœur qu’on a baptisé, depuis peu, du nom de solidarité. Il ne s’agit pas de savoir si l’on doit donner à tous la fortune, l’indépendance et le bonheur, il s’agit de savoir si cette merveilleuse révolution sociale peut être réalisée, et s’il suffit de voter quelques lois, de remanier, au besoin, le Code civil tout

  1. Tisser, professeur de droit à la faculté de Dijon, loc. cit.