Page:Zorrilla - Don Juan Tenorio, trad. Curzon, 1899.djvu/150

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n’est vraiment pas en mon pouvoir de te résister : je vais a toi comme cette rivière va à la mer qui l’aspire. Ta présence me fait sortir de moi-même, tes paroles m’hallucinent, tes yeux me fascinent et ton souffle m’empoisonne. Don Juan ! Don Juan ! Je l’implore de ta pitié de gentilhomme : ou arrache-moi le cœur, ou aime-moi, car je t’adore !

DON JUAN

Ô mon âme ! Cette parole change à tel point mon être que je comprends ce que je puis faire pour que l’Éden s’ouvre à moi. Ce n’est pas, Doña Inès, Satan qui met cet amour en moi ; c’est Dieu, qui veut, par toi, me gagner peut-être à Lui. Non ! l’amour qui se recueille aujourd’hui comme un trésor dans mon cœur mortel n’est pas un amour terrestre comme celui que j’ai éprouvé jusqu’à cette heure ; ce n’est pas cette fugace étincelle que le premier coup de vent éteint ; c’est un incendie qui couve et grandit, immense, dévorant. Chasse donc ton inquiétude, très gracieuse Inès, car je me sens, à tes pieds, capable encore de vertu. Oui, j’irai prosterner mon orgueil devant le noble commandeur, et alors, ou il faudra qu’il me donne ton amour, ou il ne lui restera qu’à me tuer.

DOÑA INÈS

Don Juan de mon cœur !