Page:Zweig - Émile Verhaeren, sa vie, son œuvre.djvu/134

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des lieues et des lieues. À ce poète, qui met toute sa joie dans la couleur, Paris est devenu cher. Tous les hivers il y séjourne. Il se plaît à cette agitation affairée, à cette activité qui paraît s’essouffler, cette rivalité, cette ardeur fiévreuse, cette confusion babylonienne. Il aime ce pêle-mêle et son étrange musique. Souvent il est resté des heures sur l’impériale des lourds omnibus pour mieux voir la cohue, les yeux clos pour mieux sentir pénétrer en lui-même ce bourdonnement sourd, si pareil dans sa continuité au bruissement de la forêt. Il ne s’intéresse plus comme dans ses premiers livres à l’existence des petits métiers ; il aime cette ascension du travail manuel vers le travail mécanique, dont on n’aperçoit pas le but mais seulement la formidable organisation. Peu à peu cet intérêt lui est devenu une raison suffisante de vivre. Le socialisme, qui alors grandissait en force et en activité, tomba comme une goutte rouge dans la pâleur maladive de son œuvre poétique. Vandervelde, le chef du parti ouvrier, devint son ami. Lorsque le parti fonde à Bruxelles la Maison du Peuple, Verhaeren vient courageusement à son aide, fait des conférences et prend part à tous ses efforts. Ensuite, dans