Page:Zweig - Émile Verhaeren, sa vie, son œuvre.djvu/149

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

travail. Aussi craignent-ils Dieu et n’osent-ils douter de son existence. La ville, au contraire, symbolise le progrès. À travers le fracas des rues on n’entend plus la voix des madones. Un ordre préventif met la vie de l’individu à l’abri des coups du sort. On y connaît la fièvre de la nouveauté qui suscite le désir et le besoin de conditions vitales nouvelles, de rapports neufs et d’un dieu nouveau.

L’esprit des campagnes était l’esprit de Dieu ;
Il eut la peur de la recherche et des révoltes,
Il chut ; et le voici qui meurt, sous les essieux
Et sous les chars en feu des récoltes.[1]

Si la campagne était le passé, la ville est l’avenir. La campagne veut conserver son caractère, sa beauté, son Dieu. La ville au contraire est obligée de tout créer : beauté, croyance, divinité.

Le rêve ancien est mort et le nouveau se forge.
Il est fumant dans la pensée et la sueur
Des bras fiers de travail, des fronts fiers de lueurs,
Et la ville l’entend monter du fond des gorges
De ceux qui le portent en eux
Et le veulent crier et sangloter aux cieux.[2]

Mais nous, pense Verhaeren, nous ne devons pas faire partie de ce vieux monde qui meurt :

  1. « Vers le futur » (les Villes tentaculaires).
  2. « L’Âme de la Ville » (idem).