Page:Zweig - Émile Verhaeren, sa vie, son œuvre.djvu/169

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lopper tout sentiment et toute pensée. À chaque excitation, à chaque sensation particulières, c’est la sensibilité concentrée de son énergie vitale qui doit répondre. Nietzsche l’expose merveilleusement dans Ecce Homo : l’ampleur, le besoin d’un grand rythme donne la mesure de l’inspiration, et doit correspondre à sa force d’expansion, à sa tension. Jusqu’à un certain point, le poète moderne doit être une sorte de microcosme où se reflète le monde plus vaste de la foule dans toute sa passion, monde dans lequel, aussi, l’excitation de l’individu n’a ni objet, ni importance, monde dans lequel importe seul l’irrésistible débordement de toute la masse en fermentation.

Le rythme de la vie moderne doit passer à travers ses poèmes. Rappelons à ce propos quelle signification nous entendons donner à ce mot : rythme. En dernière analyse, le rythme d’un être c’est sa respiration. Toute créature vivante, organisée, possède une fonction respiratoire scandée par les battements de son cœur, marquant un repos entre l’instant où il donne et celui où il reçoit. Ainsi se comporte un poème — j’entends un poème digne de ce nom — bien qu’il ne soit pas un être vivant, possédant un