irrégulier ; on y perçoit le halètement d’un homme poursuivi qui se précipite vers son but, le bruit des pas qui trébuchent sur le chemin ; on y sent une surabondance qui s’irrite devant l’impossibilité d’aller plus loin. Mais, chez Verhaeren, l’énergie rythmique n’est jamais intellectuelle ; elle n’est ni dans l’expression verbale ni dans la musique : elle s’affirme purement émotive et corporelle pour ainsi dire. Ce n’est pas seulement le système nerveux qui entre en vibration et en résonnance, ce n’est pas le mot prononcé qui ébranle l’air, mais, de toutes les parties de l’organisme, comme si toutes les cordes nerveuses subissaient en même temps l’effort de la tempête, surgissent l’effroi et l’extase que donne la fièvre. Jamais sa poésie n’est à l’état de repos, semblable en cela à la foule. Il incarne toujours le rythme, en son vrai sens, c’est-à-dire la passion mise en mouvement. Une excitation perpétuelle s’y fait sentir. L’activité y est continue et ne s’attarde pas plus à la méditation qu’au rêve. Et véritablement tous ses poèmes sont nés d’une cinématique réelle : jamais il n’en composa un vers assis devant une table de travail. Il compose à travers champs, à la cadence des mouvements de son corps, et le rythme ac-
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