Page:Zweig - Émile Verhaeren, sa vie, son œuvre.djvu/186

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des mots à forte résonance. La conquête de la foule nécessite la possession intime du rythme de la vie nouvelle, dans toute son agitation. Il faut trouver pour lui parler un langage neuf et pathétique. Et ce nouveau « pathos », pleinement affirmatif et vraiment nietzschéen, tend avant tout à créer de la volupté et de la puissance, de la volonté et de l’extase. Cette poésie ne sera empreinte de sensibilité, ni de mélancolie ; elle ne cherchera pas à exprimer une souffrance personnelle afin d’éveiller la pitié, ni une vague émotion afin qu’un autre puisse refléter en elle sa propre émotivité. C’est la joie et la surabondance qui doivent l’animer, et la volonté de susciter, par cette joie, l’envol de la passion. Seuls les grands sentiments portent les mots jusqu’à la foule. Les pensées mesquines ne peuvent prendre leur essor que dans le silence, comme dans un air immobile, et ne tardent pas à s’abîmer sur le sol. Le pathétique moderne ne doit, de toute sa volonté intérieure, tendre à une simple vibration psychique, à un sentiment de bien-être strictement délicat et esthétique ; il doit tendre à l’action. Sa puissance est d’entraîner : que de nouveau il rassemble en lui les forces brisées du poète antique, qu’il en fasse, pour une