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De rapides vaisseaux, sans rameurs et sans voiles,
La nuit, sur les flots bleus, étonnent les étoiles.
Tout peuple réveillé se forge une autre loi ;
Autre est le crime, autre est l’orgueil, autre est l’exploit.[1]

Différents aussi sont les rapports de l’homme à l’homme, et de l’homme à la société. Le réseau des lois sociales s’est resserré tout en ayant ses mailles plus lâches, et notre existence, en même temps que rendue plus facile, est devenue plus pénible.

Mais voici que s’est produit un événement plus important encore. Cette transformation ne touche pas uniquement les réalités humaines, mais encore l’ordre métaphysique. Non seulement nous vivons en d’autres cités, habitons d’autres maisons, revêtons d’autres costumes ; mais, au-dessus de nous, l’infini lui-même, qui semblait intangible, ne nous apparaît plus tel qu’il était pour nos pères. L’évolution des mœurs implique un changement dans notre conception de l’abstrait. Le temps et l’espace, ces formes indéfinies de la pensée humaine, se sont modifiés. La notion du temps n’est plus la même, car nous le mesurons par rapport à de nouvelles vitesses. Il fallait des jours à nos ancêtres pour cheminer sur des routes que nous parcou-

  1. « Aujourd’hui » (les Héros).