Page:Zweig - Émile Verhaeren, sa vie, son œuvre.djvu/194

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puis un rythme quelque peu monotone le conduit, d’étonnement en étonnement, d’émotion en émotion, jusqu’à l’extase suprême. Le lecteur s’arrête à chaque instant, croyant toucher au sommet. Mais il lui faut s’élancer plus haut, et son esprit, au souffle de l’inspiration, découvre des horizons nouveaux. « Il faut en tes élans te dépasser sans cesse[1] », cette règle de morale devient, chez Verhaeren, une loi poétique. « Dites ! », c’est un ordre impératif ; « encore encore ! » c’est un appel pressant, qui reviennent sans cesse dans ces ouvrages. Et ces exhortations continuelles, semblables aux encouragements familiers que les cavaliers prodiguent à leurs montures au moment d’un effort décisif, ne sont que des gestes oratoires transposés. Le sourd « oh ! » nous adjure et nous enflamme ; le rapide « qu’importe ! » nous débarrasse des entraves trop lourdes ; le majestueux « immensément » semble mesurer tout l’infini des sphères célestes. Une fièvre ardente déborde dans ces œuvres pathétiques. Ce n’est plus seulement ce vol audacieux qui semblait transporter jusqu’au haut des nues les créations ardentes de ses

  1. « L’Impossible » (les Forces tumultueuses).