Page:Zweig - Émile Verhaeren, sa vie, son œuvre.djvu/207

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grante à son développement même. On ne saurait en effet concevoir dans une forme régulière cette agitation nerveuse, ce mouvement passionné des poèmes que Verhaeren devait écrire. Pour s’adapter à l’extraordinaire diversité des impressions modernes, leurs élans, leurs ardeurs, leurs brusques retours en arrière, leur soudaineté, leur sombre mélancolie, pour magnifier leur entrée inattendue dans l’intimité passionnelle de l’individu, il faut un vers qui soit solide et pourtant souple comme une lame d’épée. De tels poèmes échappent à la règle, tout comme la foule, et ne sauraient s’avancer militairement au pas de parade. Récités, ils ne supporteront pas le ton déclamatoire, compassé, froid et sentimental de la Comédie-Française. C’est à la foule qu’ils s’adressent et il faut les dire ainsi. C’est un cri, c’est un appel, c’est un coup de fouet. Cela échappe à l’harmonie ; cela n’est plus que spontanéité impulsive.

Délivrée de la monotonie de l’alexandrin, la poésie de Verhaeren y a gagné une diversité infinie. Le vers alors sait rendre le côté plastique d’une impression en même temps que son côté intime et émotif. Plus n’est besoin d’une