Page:Zweig - Émile Verhaeren, sa vie, son œuvre.djvu/26

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et s’y transmuent en poésie. Tout se passe dans l’âme visionnaire du poète, d’abord confusément impressionnée ; puis vient la compréhension, et enfin l’enthousiasme d’un Nouvel Européen. Quelle est la genèse de cette œuvre ? À travers quelles crises, au prix de quelles résistances, le poète a-t-il pu faire sien ce sentiment de la nécessité et dégager la beauté de la nouvelle forme du Monde ? C’est là ce qu’il faut dire. Si, dans le temps présent, on voulait marquer la place de Verhaeren, ce ne serait pas tant parmi les poètes. Joailliers, artisans, musiciens ou peintres, ceux-ci ne sauraient lui être comparés. Il n’est ni à côté ni au-dessus d’eux. Sa place est au premier rang des grands organisateurs, de ceux qui savent endiguer et diriger les nouveaux courants qui entraînent la société, qui commandent, pour en précipiter ou en retarder le choc, aux énergies surexcitées. Il est au premier rang des philosophes qui, dans une géniale synthèse, tâchent d’unir et de discipliner toutes ces forces impulsives, obscures encore et désordonnées. Recréer l’Univers par le verbe, lui imposer volontairement des formes nouvelles, selon des lois esthétiques dictées par un nouvel enthousiasme, tel est l’effort de la poésie de