Page:Zweig - Émile Verhaeren, sa vie, son œuvre.djvu/264

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mais avec leur expérience personnelle. De tels esprits n’oublient pas, ils ne laissent rien se perdre. Ils croissent comme les forces de la nature, semblables à ces vieux arbres dont la sève s’épanouit d’anneau en anneau et qui, chaque année, s’élèvent plus haut vers le ciel, dans un horizon plus vaste et plus infini.

L’œuvre de Verhaeren est le produit d’un labeur continu, acharné, qui puisa sa force dans les sources mêmes de la vie : aussi est-il aisé d’en suivre le développement et la croissance, dans sa trame harmonieuse et vivante. Mieux qu’aucune œuvre lyrique moderne, elle semble dans son évolution profondément humaine symboliser l’enchaînement des saisons. C’est l’éveil du printemps, la torpeur de l’été, puis la maturité de l’automne, et la clarté froide de l’hiver, se succédant par dégradations insensibles.

À ses débuts, alors que d’autres sont déjà parvenus au terme de leur évolution littéraire, Verhaeren dut lutter pour donner à sa pensée une forme personnelle. Il ne pénétra pas du premier coup dans l’intimité du monde extérieur : longtemps il s’absorba dans la contemplation pittoresque de ses manifestations purement externes. Puis il s’essaya, comme un élève,