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tels que Rembrandt : « Si plus tard, dans l’éloignement des siècles, ils semblent traduire mieux que personne leur temps, c’est qu’ils l’ont recréé d’après leur cerveau, et qu’ils l’ont imposé non pas tel qu’il était, mais tel qu’ils l’ont déformé[1]. » En magnifiant leur temps, en exaltant même de fugaces événements par une vue plus large des choses, ils se magnifiaient eux-mêmes. Alors que les écrivains qui rapetissent tout à leur taille et les indifférents se rapetissent eux-mêmes, à mesure que s’éloigne leur siècle, jusqu’à s’effondrer dans la dispersion totale de leur personnalité, les vrais poètes, eux, nous proclament du fond des âges l’heure qui sonnait à leur temps, comme une horloge lumineuse au haut d’une tour. Que reste-t-il des autres ? un poème, quelques sentences, un livre peut-être : quelques miettes. Mais de ceux-ci nous retenons la vision, l’essentielle idée de toute une époque, et cette musique de la vie que les timides et les humbles de l’avenir seront avides d’entendre, faute de pouvoir comprendre le rythme de leur propre temps !

Ainsi Verhaeren, visionnaire enthousiaste, est

  1. Émile Verhaeren, Rembrandt.