Page:Zweig - Émile Verhaeren, sa vie, son œuvre.djvu/289

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droits et sains admettent l’unité du monde. Les anciennes divisions entre l’âme et le corps, entre Dieu et l’univers, s’effacent. L’homme est un fragment de l’architecture mondiale. Il a la conscience et l’intelligence de l’ensemble dont il fait partie… Il se sent enveloppé et dominé et en même temps il enveloppe et il domine. Il devient en quelque sorte, à force de prodiges, ce Dieu personnel auquel ses ancêtres croyaient. Or, je le demande, est-il possible que l’exaltation lyrique reste longtemps indifférente à un tel déchaînement de puissance humaine et tarde à célébrer un aussi vaste spectacle de grandeur ? Le poète n’a qu’à se laisser envahir à cette heure par ce qu’il vit, entend, imagine, devine, pour que les œuvres jeunes, frémissantes, nouvelles, sortent de son cœur et de son cerveau[1].

Mais les grands poètes ne découvrent jamais de principe intellectuel, de précepte moral, qui ne reflète le fond même de leur nature intime.

De nombreux procédés d’investigation s’offrent aux penseurs, aux observateurs réfléchis : il n’est, pour le poète lyrique, d’autre philosophie poétique de la vie, qu’une observation s’élevant au lyrisme. L’emploi des mesures et des calculs,

  1. G. Le Cardonnel et Ch. Vellay, la Littérature contemporaine.