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Pour dégager les lois des choses — et la beauté n’est jamais que l’incarnation d’une invisible loi naturelle — il faut d’abord les avoir reconnues avec enthousiasme, puis avoir accepté leur nécessité. « Il faut aimer, pour découvrir avec génie[1]. » Aussi devons-nous toujours nous efforcer de dominer les tendances négatives de notre nature, nous défendre contre toute exclusion, tuer en nous l’esprit critique, accroître notre sens du positif, et rendre l’affirmation possible. Là encore, Verhaeren rencontre l’idéal dernier de Nietzsche : « La préservation de soi, la défense des approches nécessitent une déperdition de forces, une déperdition de l’énergie, dans un but purement négatif[2]. » La critique est stérile. Sur ce point, comme sur tous les autres, Verhaeren est un relativiste de valeurs : il sait qu’elles se transforment sans cesse pour aboutir à une valeur suprême. Et c’est pourquoi l’enthousiasme, qui n’est que le symbole de la survaluation, lui semble une force plus puissante pour nous acheminer vers la conception d’une justice supérieure que la justice soi-disant absolue. Car, et c’est un point fondamental, il y a

  1. « Un soir » (les Forces tumultueuses).
  2. Nietzsche, Ecce Homo (trad. Henri Albert).