Page:Zweig - Émile Verhaeren, sa vie, son œuvre.djvu/304

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Je dis que nul homme jusqu’ici n’a été assez pieux de moitié,
Nul encore n’a assez adoré ni professé le culte de moitié,

Nul n’a commencé de songer combien divin il est lui-même et combien certain est le futur[1].

La véritable volupté réside dans cette exaltation suprême. Aussi les conceptions idéales de Verhaeren ne sont-elles pas des règles froides, inertes, mais bien un hymne vibrant.

Aimer avec ferveur soi-même en tous les autres
Qui s’exaltent de même en de mêmes combats
Vers le même avenir dont on entend le pas ;
Aimer leur cœur et leur cerveau pareils aux vôtres
Parce qu’ils ont souffert, en des jours noirs et fous,
Même angoisse, même affre et même deuil que vous.

Et s’enivrer si fort de l’humaine bataille
— Pâle et flottant reflet des monstrueux assauts
Ou des groupements d’or des étoiles, là-haut —
Qu’on vit en tout ce qui agit, lutte ou tressaille
Et qu’on accepte avidement, le cœur ouvert,
L’âpre et terrible loi qui régit l’univers.[2]

Éterniser, transformer en un sentiment vital, permanent et rigoureux, ces instants mystiques de l’extase, ces minutes d’identité que chacun de nous a connus aux époques décisives de son existence, telle est l’intention dernière de Verhaeren.

  1. Walt Whitman, Feuilles d’herbe (trad. Léon Bazalgette).
  2. « La Vie » (la Multiple Splendeur).