Page:Zweig - Émile Verhaeren, sa vie, son œuvre.djvu/309

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corps, sa race, ses ancêtres, auxquels il doit l’existence ; son pays, qui lui a donné la jeunesse ; les villes qui découvrent à ses regards d’amples horizons ; il chante l’Europe et l’Amérique, le passé et l’avenir. Et comme il se sent lui-même fort et sain, il voit le monde entier également sain et harmonieux. C’est là, dans la poésie de Verhaeren, un sentiment nouveau qui ne s’était peut-être encore rencontré chez aucun poète : l’amour de l’univers, la joie de vivre ne sont pas pour lui émotion intellectuelle, au contraire, l’unité cosmique lui est comme un plaisir physique qui échauffe le sang, qui envahit les nerfs et les muscles. Les strophes du poète, ainsi que Bazalgette le dit fort justement, sont véritablement « une décharge d’électricité humaine[1] ». La joie devient une exaltation corporelle, une ivresse, un épanouissement sans égal :

Nous apportons, ivres du monde et de nous-mêmes,
Des cœurs d’hommes nouveaux dans le vieil univers.[2]

Aucune désharmonie ne s’accuse plus entre les différents poèmes de Verhaeren. C’est un

  1. Léon Bazalgette, Émile Verhaeren.
  2. « La Ferveur » (la Multiple Splendeur).