Page:Zweig - Émile Verhaeren, sa vie, son œuvre.djvu/326

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Puis il a montré combien Verhaeren répondait pleinement à cet idéal futur, combien il fut un homme, dans la mesure où l’être humain éveille l’idée d’une esthétique parfaite. Car, pour créer une œuvre d’art, il faut réaliser soi-même une œuvre d’art. Et celui-là surtout qui formule des maximes éthiques nous autorise à l’interroger sur sa vie privée et sur ses règles de conduite.

À travers l’œuvre poétique de Verhaeren apparaît l’idéal artistique d’une grande vie dans le jeu de ses forces puissantes et victorieuses. Seul d’ailleurs un être harmonisé et vigoureux pouvait produire un tel effort intellectuel auquel n’eût suffi une certaine vivacité, une certaine ingéniosité d’esprit. Verhaeren ne fut jamais un tempérament équilibré, aussi son effort a-t-il été double.

Ce fut une nature débordante, excessive, qui dut se maîtriser : tous les germes de débauche et de dispersion étaient en lui, ses forces risquaient de se gaspiller et de se perdre. Des penchants si contraires ne pouvaient s’équilibrer que grâce à une discipline sûre, grâce à des principes inébranlables. Seule, une nature profondément humaine pouvait concentrer en une