Page:Zweig - Émile Verhaeren, sa vie, son œuvre.djvu/333

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qui vient à lui avec enthousiasme. Mais il est particulièrement sensible aux sympathies que son lyrisme a provoquées parmi les peuples étrangers, en Europe et même en Amérique. Il est fier d’avoir vu les petites rivalités nationales s’apaiser devant son œuvre, il est fier surtout d’avoir vu la jeunesse se ranger spontanément à ses côtés. Il a toujours porté aux jeunes un intérêt très vif, il a toujours accueilli et soutenu les débutants avec la plus grande bienveillance. Tout art étranger provoque en lui un enthousiasme passionné. Le sentiment suprême d’identité qui l’anime lui inspire une impartialité extrême dans ses admirations : c’est une joie véritable que de goûter avec lui des chefs-d’œuvre et de partager son exaltation.

On est quelque peu étonné du contraste apparent qui se révèle chez Verhaeren entre l’art poétique et l’art de la vie. Car jamais on n’imaginerait, à travers ce poète fervent, cet homme calme et bon. Son visage — qui tenta plus d’un peintre et plus d’un sculpteur — ne laisse transparaître que des passions et des extases : son front, sous ses boucles grisonnantes, est creusé par les sillons profonds que grava la crise d’autrefois. Sa moustache tombante, comme