Page:Zweig - Émile Verhaeren, sa vie, son œuvre.djvu/57

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passions, ses premiers essais littéraires le rendirent bientôt célèbre. Dès le collège, il avait commencé d’écrire des vers. Lamartine fut son modèle ; puis Hugo, le fascinateur de la jeunesse, l’empereur du grand geste, le maître indiscuté du verbe. Ces vers de jeunesse de Verhaeren n’ont jamais été édités : ils n’auraient d’ailleurs qu’un médiocre intérêt ; un instinct vital encore sans frein s’essayait à s’y exprimer en d’impeccables alexandrins. À mesure que son talent se développe, il sent plus vivement sa vocation poétique. Au barreau il a peu de succès ; cela l’engage plus avant. Bientôt, sur le conseil d’Edmond Picard, il jette aux orties cette robe d’avocat qui déjà lui semblait aussi étroite et étouffante qu’autrefois la soutane.

C’est alors que sonna l’heure décisive. Verhaeren et Lemonnier en font volontiers le conte, avec la joie éclatante et fière de leur amitié que trente années n’ont pas altérée, de leur cordiale et mutuelle admiration. Par un jour pluvieux, Verhaeren arriva brusquement chez Lemonnier, qu’il ne connaissait pas. Il entra de son pas lourd de paysan, avec son geste cordial, et commença sans détour : « Je veux vous lire des vers ! » — C’était le manuscrit des Flamandes.