Page:Zweig - Émile Verhaeren, sa vie, son œuvre.djvu/65

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d’idyllique, mais « les fureurs d’estomac, de ventre et de débauche[1] », toutes les explosions de la joie de vivre, les orgies des paysans, voire les manifestations animales. Son ancien condisciple, Rodenbach, a également parlé de la Flandre aux Français, en des poèmes qui résonnent doucement, d’un timbre argentin, comme le jeu des carillons par-dessus les toits. Il a chanté cette inoubliable tristesse du soir sur les canaux de Bruges, et la magie des nuits lunaires sur la campagne. Mais Verhaeren ne voulait rien savoir de la mort ; il se cramponnait à la vie, là où elle est la plus exubérante, dans « le décor monstrueux des grasses kermesses[2] ». Rien ne vaut pour lui les fêtes populaires où l’ivresse et la volupté servent d’aiguillon à des foules robustes, où la force et l’avidité s’unissent pour combattre, où la bestialité triomphe de l’éducation et de la morale. Ces descriptions, qui pourtant sont débordantes de vie rabelaisienne, ne satisfont pas encore le poète ; cette vie ne lui semble pas assez follement truculente ; il souhaite de pouvoir passer la réalité : jadis

  1. « Les Vieux Maîtres » (les Flamandes).
  2. Id. (idem).