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ceux qui ont bâti la grande maison de Dieu, à ceux qui, depuis deux mille ans, ont donné leur sang pour assurer l’éternité de la blanche Hostie. Il les invoque avec enthousiasme, non pas par amour comme un croyant, mais parce qu’il admire leur énergie intrépide. Ils n’ont pas eu peur de livrer bataille en l’honneur d’un Mort, pour une cause perdue d’avance et pour toujours. Leur beauté n’a plus d’autre fin qu’elle-même, et, solitaires et muets comme les vieux beffrois, ils se dressent au milieu de notre âge. Alors que toute l’humanité tend vers le plaisir ou vers l’or, ils s’enclosent dans la solitude, meurent sans un cri et sans une plainte, et ne cessent de lutter contre un ennemi invisible. Ils sont les derniers défenseurs de la beauté. Mais n’oublions pas qu’à cette époque, Verhaeren identifie toujours la beauté avec le passé. La révélation d’une beauté moderne lui échappe encore. Dans les moines, il célèbre les derniers romantiques ; car il n’a pas encore trouvé la poésie de la vérité, ce néo-romantisme qui dégagera l’héroïsme de la vie ordinaire. Il aime en eux les grands rêveurs, les « chercheurs de chimères sublimes[1] », mais il ne peut leur ap-

  1. « Aux moines » (les Moines).