Page:Zweig - Émile Verhaeren, sa vie, son œuvre.djvu/80

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conduit au futur. Sous l’empire de sentiments puissants et neufs, l’idée poétique apparaît ici comme une tentative de rajeunissement, comme un devoir, comme une mission : l’étroite observation naturaliste le cède au concept encore vague d’un idéal nouveau qui, au lieu de poétiser la religion, l’identifie avec la poésie.

Si grand que fût dans ces deux premiers livres l’effort du poète pour donner une description réaliste de la Flandre, le présent y conservait encore une nostalgique inclination vers le passé. Tout tempérament s’évade de la réalité. C’était bien dans un sens idéaliste que la Flandre se trouvait décrite dans ces deux livres ; mais cet idéal s’y projetait en arrière. La conception de la beauté qu’avait alors le jeune Verhaeren était conventionnelle et lui avait fait chercher dans les moines le symbole de la beauté, tandis que les vieux maîtres flamands lui représentaient la puissance et l’ardeur de la vie. Il avait encore besoin de recouvrir le présent du costume du passé pour en découvrir l’héroïsme et la beauté, comme maints poètes d’aujourd’hui qui, pour peindre des hommes dans toute leur force, situent leur drame à l’époque de la Renaissance, ou, pour atteindre la beauté, revêtent leurs