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Page:Zyromski - Sully Prudhomme, 1907.djvu/121

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LE PAYSAGE INTÉRIEUR 107

tendance humaine à la crainte, et notre tendance à la crainte nourrit tous nos vices, qui sont nos manières de nous rattacher à la vie et d'étouffer cette peur qui donne à nos joies les meilleures un relent de décomposition, un goût de cendre. Mais, après avoir poussé ces cris si amers qui semblent venir du plus émouvant des pessimistes, Lucrèce aboutit à cet optimisme héroïque où se dresse la philosophie humaine appuyée sur l'union de la science et de la morale. La crainte de la mort est apaisée par la connaissance de la vie. La peur des Dieux est remplacée par la divinisation du sage, c'est-à-dire de celui qui comprend et accepte les lois de la vie, et ainsi la morale de Lucrèce, dont il ne suffit plus de parler avec une pudeur effarée, développe dans les derniers livres une sagesse difficile, mais grave et sûre comme la loi, et d'une noblesse incomparable.

Sully Prudhomme a longtemps médité devant ce sage qui habite une des coupoles de son temple étoile, et nous ne serons pas surpris lorsque nous entendrons dans le poème du Zénith et les strophes de la Justice l'écho de la grande voix de Lucrèce :

Lea paradis -'en vont: dans l'immuable espace Le vrai monde élargi le- pousse on les dépasse,

.Nous avons arraché sa barre à l'horizon.