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LA MÉLANCOLIE ET L'ESPRIT D'ANALYSE i'M

nécessaire de l'art pût traduire nos inquiétudes. Dans son invocation un peu ironique à Pallas, il proclame qu'il y a de la poésie dans le Strymon glacé et dans l'ivresse du Thrace, et que le calme de Pallas ne reflète que la clarté du ciel hellénique : « Si tu avais vu les neiges du pôle et les mystères du ciel austral, ton front, ô déesse toujours calme, ne serait pas si serein. » Le calme du front de Pallas! la sérénité de l'esprit grec! Il faudrait rabattre de ces formules si on les appliquait à la tragédie grecque; mais il semble que la pensée de Renan, réduite à l'art, soit inattaquable.

Pour l'artiste grec, le beau réside dans l'euryth- mie des formes, et le sentiment provoqué par la beauté est une admiration à la fois ardente et paci- ficatrice. L'art nous apaise en nous plaçant dans un état divin, c'est-à-dire dans l'équilibre et la plé- nitude. Le calme de Zeus plane sur l'Olympe, et la beauté de l'art doit traduire ce calme olympien. C'est pourquoi, dans la statuaire grecque, la beauté physique n'est pas sacrifiée à l'expression morale. Taine l'a montré, avec les insistances de sa langue martelée, dans son livre sur la Philosophie de l'A rt.

Sully Prudhomme a compris la paix et la noblesse de l'art grec. Dans un poème sur la