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Page:Zyromski - Sully Prudhomme, 1907.djvu/235

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LE BONHEUR ET LE DESTIN DES HOMMES 221

muler la faiblesse et la vanité. Mais négligeons ces défaillances dans les images et dans les mots et ces peintures d'un merveilleux suranné, pour nous attacher davantage à la hardiesse de ce réquisitoire, et pour sentir ce qu'il y a d'émou- vant — et de désespéré — dans cet appel à la fraternité et à la justice.

Malgré ses hésitations et ses défaillances, ce poème a donc une portée considérable. Ajoutons qu'il agrandit le domaine de notre art littéraire. Par lui l'éminente dignité de la poésie est pro- clamée, car le poète, placé résolument devant nos destins, délaisse les anecdotes sentimentales pour peser et juger la vie.

Nos œuvres classiques n'apportent pas des émotions de cette qualité. Elles sont émouvantes quand elles montrent les diverses formes que prend le malheur; mais si elles frappent la sensibi- lité, elles ne répondent guère aux problèmes de la raison. D'ailleurs la douleur morale des person- nages tragiques est d'un ordre si exceptionnel que dans toute ma vie d'homme je ne me trouverai sans doute jamais dans la situation de (luriace, do