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224 SULLY PRUDHOMME

Sa valeur est encore accrue par les associations d'idées qu'il suscite et la puissance d'exaltation qu'il apporte à nos meilleurs souvenirs. Une œuvre forte soumise à une méditation passionnée rend un son qui réveille d'autres accents, car les œuvres fraternelles se retrouvent et se reconnais- sent dans l'agitation de nos pensées. Ainsi au fond de nous-mêmes éclatent des concerts aux longs échos, où s'élabore, pour apaiser nos orages, une harmonie souveraine. Un paysage vaut non. seulement par la beauté pittoresque de ses formes, mais par les souvenirs qu'il évoque, et, si je peux dire, sa qualité d'âme. Le paysage d'Athènes est chargé des pensées de tous ceux qui, de Chateaubriand à Ernest Renan, ont chanté sur l'Acropole leur prière enivrante ou lassée, iro- nique ou enthousiaste. Le souvenir de Byron vit sur le lac Léman. Le délire mélancolique de Lamartine erre dans la baie de Sorrente, et, sur les eaux mortes de Venise, dans la fuite des gon- doles par le silence de la nuit, on voit flotter encore les ombres farouches ou mystérieuses de George Sandet de Musset, de Byron et de Wagner, de Taine et de Maurice Barrés. Un livre, comme un paysage, vaut non seulement par les idées