Page:Zyromski - Sully Prudhomme, 1907.djvu/40

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

26 SULLY PRUDHOMME

montre l'alliance nécessaire de la sensibilité et de la pensée, et il écarte la seconde erreur roman- tique. Donc il impose à la poésie une attitude interrogatrice, et il lui demande de scruter nos destins. La poésie devient la manière émouvante de poser les questions les plus redoutables puisqu'elle est l'art d' « intéresser le cœur aux problèmes de la pensée ». «n Mais, en faisant de sa poésie l'expression \ pathétique de nos angoisses intellectuelles, il l s'obligeait h renouveler la manière poétique. Le sentiment n'absorbera plus la pensée, et l'image ne remplira plus le développement. Dans Victor Hugo, la métaphore est une maîtresse magni- fique et dévorante. Dans Sully Prudhomme, la métaphore se fait la servante de la poésie, en lui apportant sa parure comme un hommage. Sou- vent même, quand la poésie trouve dans son intensité même un rythme essentiel, je veux dire l'accent qui distingue toujours le vers de la prose, l'image s'efface et la pensée brille d'un éclat singu- lier. Un rayon de soleil blanc et pur, qui vibre dans l'espace, n'est pas moins émouvant que les couleurs qui brillent à nos pieds. Dans les soli- tudes fraîches des hautes montagnes, quand nous