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L ART PARNASSIEN k5

ses sentiments que pour s'attacher davantage à traduire les sentiments de l'humanité, et son chant individuel se prolonge dans le bruit des siècles. En vérité, nul esprit ne fut plus passionné que celui de Leconte de Lisle : cet impassible mena une existence de nostalgie. Dans son âme hospi- talière et profonde il voulut posséder et s'assimiler toutes les formes revêtues par la sensibilité humaine. et il s'imposa de saisir à travers l'histoire, dans les documents laissés par les hommes, le témoi- gnage et les aveux de tous nos désirs. Leconte de Lisle n'est pas Victor Hugo composant la Légende des Siècles et transportant à travers les âges ses aspirations et sa rancune. Leconte de Lisle, c'est Faust dans son laboratoire, évoquant l'hu- manité, notant ses cris de détresse, et inscrivant sur l'airain de son Verbe les formes de l'Illusion toujours renaissante. De là ce cri pathétique qui résume toute la méditation de Gœthe :

Ali! t"ut cela, jeunesse, amour, joie el pensée, Cbants de la mer el des forêts, souffles du ciel, Emportant à plein vol l'espérance insensée, Qu'est-ce que toul cela qui n'est pas éternel?

[Poèmes tragiques.)

De même Hérédia ne s'attardait pas dans la contemplation el la volupté des belles formes.