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LA PENSÉE DE VIGNY 81

Athéna, c'est-à-dire la Justice. Ainsi la fatalité s'épuise elle-même devant le malheur qu'elle a répandu, ou bien elle cède devant les coups d'état de la conscience. — Le tragique de Cor- neille, c'est la lutte d'une àme attirée par deux grands devoirs. L'ombre émouvante du destin antique n'assombrit pas ces luttes intérieures : elles éclatent en pleine lumière devant ces héros ardents et lucides. D'abord meurtris dans un combat où les plus hauts désirs se froissent, ils se dressent dans la possession de la gloire qu'ils ont choisie. Éprouvant tour à tour le déchire- ment et l'allégresse, ils nous troublent et ils nous ravissent. C'est le tragique de Rodrigue et de Polyeucte, d'Auguste et de César : vrai tragique cornélien qu'il faut distinguer du tragique artifi- ciel et durci des dernières œuvres. — Le tragique de Racine, c'est l'étonnement de l'âme dévastée par l'orage de la passion, et poussée au suicide, à l'assassinat ou à la folie. — Le tragique de Mae- terlinck renonce à l'expression de ces émotions rares qui réclament des caractères d'exception eu la collaboration de la légende, pour s'attacher au tragique quotidien que nous sentons autour de nous quand nous écoutons la marche de la

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