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74 DEPUIS L’EXIL. — BORDEAUX. — 1871.

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DÉMISSION DES REPRÉSENTANTS

D’ALSACE ET DE LORRAINE.

Après le vote du traité, les représentants d’Alsace et de Lorraine envoyèrent à l’Assemblée leur démission.

Les journaux de Bordeaux publièrent la note qu’on va lire : «Victor Hugo a annoncé hier jeudi, dans la réunion de la gauche radicale, qu’il proposerait à l’Assemblée la déclaration suivante : «Les représentants de l’Alsace et des V)sges conservent tous indéfiniment leurs «sièges à l’Assemblée. Ils seront, à chaque élection nouvelle, considérés comme réélus «de droit. S’ils ne sont plus les représentants de l’Alsace et de la Lorraine, ils restent «et resteront toujours les représentants de la France.» «Le soir même, la gauche radicale eut une réunion spéciale dans la salle Sieuzac. La démission des représentants lorrains et alsaciens fut mise à l’ordre du jour. Le représentant Victor Hugo se leva et dit :

Citoyens, les représentants de l’Alsace et de la Lorraine, dans un mouvement de généreuse douleur, ont donné leur démission. Nous ne devons pas l’accepter. Non seulement nous ne devons pas l’accepter, mais nous devrions proroger leur mandat. Nous partis, ils devraient demeurer. Pourquoi.

? Parce qu’ils ne peuvent être remplacés. 

À cette heure, du droit de leur héroïsme, du droit de leur malheur, du droit, hélas ! de notre lamentable abandon qui les laisse aux mains de l’ennemi comme rançon de la guerre, à cette heure, dis-je, l’Alsace et la Lorraine sont France plus que la France même.

Citoyens, je suis accablé de douleur j pour me faire parler en ce moment, il faut le suprême devoir j chers et généreux collègues qui m’écoutez, si je parle avec quelque désordre, excusez et comprenez mon émotion. Je n’aurais jamais cru ce traité possible. Ma famille est lorraine, je suis le fils d’un homme qui a défendu Thionville. Il y a de cela bientôt soixante ans. Il eût donné sa vie plutôt que d’en livrer les clefs. Cette ville qui, défendue par lui, résista à tout l’effort de l’ennemi et resta française, la voilà aujourd’hui prussienne. Ah ! je suis désespéré. Avant-hier, dans l’Assemblée, j’ai lutté pied à pied pour le territoire ^ j’ai défendu la Lorraine et l’AlsacCs