Page:Œuvres complètes de Blaise Pascal Hachette 1871, vol1.djvu/364

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complies, et s’accomplissant par eux, rien ne témoignoit, que les miracles. Il étoit prédit que le Messie convertiroit les nations. Comment cette prophétie se fût-elle accomplie, sans la conversion des nations ? Et comment les nations se fussent-elles converties au Messie, ne voyant pas ce dernier effet des prophéties qui le prouvent ? Avant donc qu’il ait été mort, ressuscité, et converti les nations, tout n’étoit pas accompli ; et ainsi il a fallu des miracles pendant tout ce temps-là. Maintenant il n’en faut plus contre les juifs, car les prophéties accomplies sont un miracle subsistant…


4.

C’est une chose étonnante, et digne d’une étrange attention, de voir le peuple juif subsister depuis tant d’années, et de le voir toujours misérable : étant nécessaire pour la preuve de Jésus-Christ, et qu’ils subsistent pour le prouver, et qu’ils soient misérables, puisqu’ils l’ont crucifié : et, quoiqu’il soit contraire d’être misérable et de subsister, il subsiste néanmoins toujours, malgré sa misère.

Quand Nabuchodonosor emmena le peuple, de peur qu’on ne crût que le sceptre fût ôté de Juda, il leur fut dit auparavant qu’ils y seroient peu, et qu’ils seroient rétablis. Ils furent toujours consolés par les prophètes, leurs rois continuèrent. Mais la seconde destruction est sans promesse de rétablissement, sans prophètes, sans rois, sans consolation, sans espérance, parce que le sceptre est ôté pour jamais.

Preuves de Jésus-Christ. — Ce n’est pas avoir été captif que de l’avoir été avec assurance d’être délivré dans soixante-dix ans. Mais maintenant ils le sont sans aucun espoir.

Dieu leur a promis qu’encore qu’il les dispersât aux bouts du monde, néanmoins s’ils étoient fidèles à sa loi, il les rassembleroit. Ils y sont très-fidèles, et demeurent opprimés…

5.

Si les juifs eussent été tous convertis par Jésus-Christ, nous n’aurions plus que des témoins suspects ; et s’ils avoient été exterminés, nous n’en aurions point du tout.

Les juifs le refusent, mais non pas tous : les saints le reçoivent, et non les charnels. Et tant s’en faut que cela soit contre sa gloire, que c’est le dernier trait qui l’achève. Comme la raison qu’ils en ont, et la seule qui se trouve dans tous leurs écrits, dans le Talmud et dans les rabbins, n’est que parce que Jésus-Christ n’a pas dompté les nations en main armée, gladium tuum, potentissime[1]. N’ont-ils que cela à dire ? Jésus-Christ a été tué, disent-ils ; il a succombé ; il n’a pas dompté les païens par sa force ; il ne nous a pas donné leurs dépouilles ; il ne donne point de richesses. N’ont-ils que cela à dire ? C’est en cela qu’il m’est aimable. Je ne voudrois pas celui qu’ils se figurent. Il est visible que ce n’est que sa vie qui les a empêchés de le recevoir ; et par ce refus, ils sont des témoins sans reproche, et, qui plus est, par là ils accomplissent les prophéties.

  1. Ps. xliv, 4.