Page:Œuvres complètes de Blaise Pascal Hachette 1871, vol1.djvu/365

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6.

Qu’il est beau de voir, par les yeux de la foi, Darius et Cyrus, Alexandre, les Romains, Pompée et Hérode agir, sans le savoir, pour la gloire de l’Évangile !


7.

La religion païenne est sans fondement[1].

La religion mahométane a pour fondement l’Alcoran et Mahomet. Mais ce prophète, qui devoit être la dernière attente du monde, a-t-il été prédit ? Et quelle marque a-t —il, que n’ait aussi tout homme qui se voudra dire prophète ? Quels miracles dit-il lui-même avoir faits ? Quel mystère a-t —il enseigné, selon sa tradition même ? Quelle morale et quelle félicité ?

La religion juive doit être regardée différemment dans la tradition des livres saints, et dans la tradition du peuple[2]. La morale et la félicité en est ridicule dans la tradition du peuple, mais elle est admirable dans celle de leurs saints. Le fondement en est admirable : c’est le plus ancien livre du monde, et le plus authentique ; et au lieu que Mahomet, pour faire subsister le sien, a défendu de le lire, Moïse, pourfaire subsister le sien, a ordonné à tout le monde de le lire[3].

Notre religion est si divine, qu’une autre religion divine n’en est que le fondement.

Mahomet, sans autorité. Il faudroit donc que ses raisons fussent bien puissantes, n’ayant que leur propre force. Que dit-il donc ? Qu’il faut le croire.


8.

De deux personnes qui disent des sots contes, l’un qui a double sens, entendu dans la cabale[4], l’autre qui n’a qu’un sens ; si quelqu’un, n’étant pas du secret, entend discourir les deux en cette sorte, il en fera même jugement. Mais si ensuite, dans le reste du discours, l’un dit des choses angéliques, et l’autre toujours des choses plates et communes, il jugera que l’un parloit avec mystère, et non pas l’autre : l’un ayant assez montré qu’il est incapable de telles sottises, et capable d’êtremystérieux ; et l’autre, qu’il est incapable de mystère, et capable de sottises.


9.

Ce n’est pas par ce qu’il y a d’obscur dans Mahomet, et qu’on peut faire passer pour un sens mystérieux, que je veux qu’on en juge, mais parce qu’il y a de clair, par son paradis, et par le reste. C’est en cela qu’il est ridicule. Et c’est pourquoi il n’est pas juste de prendre ses

  1. Pascal avait écrit d’abord : « Sans fondement aujourd’hui. On dit qu’autrefois elle en a eu, par les oracles qui ont parlé. Mais quels sont les livres qui nous en assurent ? Sont-ils si dignes de foi par la vertu de leurs auteurs ? Sont-ils conservés avec tant de soin qu’on ne puisse s’assurer qu’ils ne sont point corrompus ? »
  2. On lit ici en note : « Et toute religion est de même, car le christianisme est bien différent dans les livres saints et dans les casuistes. »
  3. Deutéron., xxxi, 11.
  4. « Compris par ceux qui sont dans le secret. »