Page:Œuvres complètes de Blaise Pascal Hachette 1871, vol1.djvu/408

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36.

Le bon sens. — Ils sont contraints de dire : « Vous n’agissez pas de bonne foi ; nous ne devrions pas, » etc. Que j’aime à voir cette superbe raison humiliée et suppliante ! Car ce n’est pas là le langage d’un homme à qui on dispute son dro t, et qui le défend les armes et la force à la main. Il ne s’amuse pas à dire qu’on n’agit pas de bonne foi, mais il punit cette mauvaise foi par la force.


37.

L’Ecclésiaste montre que l’homme sans Dieu est dans l’ignorance de tout, et dans un malheur inévitable. Car c’est être malheureux que de vouloir et ne pouvoir. Or il veut être heureux, et assuré de quelque vérité, et cependant il ne peut ni savoir, ni ne désirer point de savoir. Il ne peut même douter.


38.

On a bien de l’obligation à ceux qui avertissent des défauts, car ils mortifient. Ils apprennentqu’on a été méprisé, ils nempêchent pas qu’on ne le soit à l’avenir, car on a bien d’autres défauts pour l’être. Ils préparent l’exercice de la correction et l’exemption d’un défaut.


39.

Nulle secte ni religion n’a toujours été sur la terre que la religion chrétienne.

Il n’y a que la religion chrétienne qui rende l’homme aimable et heureux tout ensemble. Dans l’honnêteté, on ne peut être aimable et heureux tout ensemble.


40.

La foi est un don de Dieu. Ne croyez pas que nous disions que c’est un don de raisonnement. Les autres religions ne disent pas cela de leur foi ; elles ne donnoient que le raisonnement pour y arriver, qui n’y mène pas néanmoins[1].


41.

Les figures de la totalité de la rédemption, comme que le soleil éclaire à tous, ne marquent qu’une totalité ; mais lesfigurantes des exclusions, comme des juifs élus à l’exclusion des gentils, marquent l’exclusion.

« Jésus-Christ rédempteur de tous. » — Oui, car il a offert ; comme un homme qui a racheté tous ceux qui voudront venir à lui. Ceux qui mourront en chemin, c’est leur malheur : mais quant à lui, il leur offroit rédemption. — Cela est bon en cet exemple, où celui qui rachète et celui qui empêche de mourir sont deux, mais non pas en Jésus-Christ, qui fait l’un et l’autre. — Non, car Jésus-Christ, en qualité de rédempteur, n’est pas peut-être maître de tous ; et ainsi, en tant qu’il est en lui, il est rédempteur de tous.

  1. On lit encore à la p. 25 du manuscrit : « Lettre qui marque l’utilité des preuves par la machine. La foi est différente de la preuve ; l’une est humaine, l’autre est un don de Dieu. Justus ex fide vivit (Rom., i, 17) : c’est de cette foi que Dieu lui-même met dans le cœur, dont la preuve est souvent l’instrument, fides ex auditu (Rom., x, 17), mais cette foi est dans le cœur, et fait dire non scio, mais credo.