Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 4.djvu/55

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Échange, c’est troc de valeurs ; la valeur étant réduite, par la concurrence, à représenter du travail, échange, c’est troc de travaux égaux. Ce que la nature a fait pour les produits échangés est donné de part et d’autre gratuitement et par-dessus le marché, d’où il suit rigoureusement que les échanges accomplis avec les pays les plus favorisés de la nature sont les plus avantageux.


La théorie dont j’ai essayé, dans ce chapitre, de tracer les lignes et les contours demanderait de grands développements. Je ne l’ai envisagée que dans ses rapports avec mon sujet, la liberté commerciale. Mais peut-être le lecteur attentif y aura-t-il aperçu le germe fécond qui doit dans sa croissance étouffer au-dessous de lui, avec la protection, le fouriérisme, le saint-simonisme, le communisme, et toutes ces écoles qui ont pour objet d’exclure du gouvernement du monde la loi de la concurrence. Considérée au point de vue du producteur, la concurrence froisse sans doute souvent nos intérêts individuels et immédiats ; mais, si l’on se place au point de vue du but général de tous les travaux, du bien-être universel, en un mot, de la consommation, on trouvera que la concurrence joue, dans le monde moral, le même rôle que l’équilibre dans le monde matériel. Elle est le fondement du vrai communisme, du vrai socialisme, de cette égalité de bien-être et de conditions si désirée de nos jours ; et si tant de publicistes sincères, tant de réformateurs de bonne foi les demandent à l’arbitraire, c’est qu’ils ne comprennent pas la liberté[1].

  1. La théorie esquissée dans ce chapitre est celle qui, quatre ans plus tard, fut développée dans les Harmonies économiques. Rémunération exclusivement réservée au travail humain ; gratuité des agents naturels ; conquête progressive de ces agents au profit de l’humanité, dont ils deviennent ainsi le patrimoine commun ; élévation du bien-être général et tendance au nivellement relatif des conditions : on reconnaît là tous les éléments essentiels du plus important des travaux de Bastiat.(Note de l’éditeur.)