Page:Œuvres complètes de Maximilien de Robespierre, tome 1.djvu/182

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tourner leurs yeux à son approche, à ne pas du moins l’insulter par l’outrage et le mépris.

On lira toujours avec un nouveau plaisir ces mémoires célèbres où M. DUPATY répand un si grand jour sur l’innocence des trois malheureux accusés qu’il défend ; où il les justifie avec ce courage qui sied si bien à la vérité ; où il se récrie, avec le noble enthousiasme de la vertu, contre les barbares maximes de nos criminalistes ; où il fait partager à ses lecteurs toute son indignation, lorsqu’il parcourt la cruelle liste de tous les innocens qu’elles ont fait condamner ; lorsqu’il fait le récit touchant de tous les maux qu’elles ont causé, de toutes les injustices qu’elles ont fait commettre.

On crut entendre l’orateur romain, quand M. DUPATY prononça, devant le sénat d’une grande province, en présence de tout un peuple, ce discours à jamais célèbre dans l’histoire de l’éloquence. L’impression qu’il fit sur les auditeurs fut telle, qu’ils ne pouvaient retenir leurs larmes ni leurs transports ; il semblait que chacun eût voulu participer à la gloire de détacher les fers des infortunés dont la défense était un véritable dévouement. L’orateur fut souvent obligé de s’interrompre par le bruit des applaudissemens qui se mêloient aux cris de l’admiration. Jamais peut-être l’humanité n’obtint un plus beau triomphe ; on bénit, on entoure celui qui vient de sauver la vie à trois citoyens : il est obligé de se dérober à la foule, pour aller annoncer aux malheureux, dont il est le libérateur, qu’ils sont rendus à l’honneur et à la vie. Qui pourrait peindre le moment où il les voit tomber à ses pieds, les baigner de leurs larmes, et les tenir embrassés sans proférer une parole ?

« Allez, leur dit ce grand homme, hâtez-vous, mes amis, de rejoindre vos femmes et vos enfants qui souffrent depuis long-temps de votre absence. Allez ensevelir le reste de votre déplorable vie dans le travail, le silence et la vertu. Partez, mais en passant par la capitale, ne manquez pas d’aller dans ma maison ; que la vue de votre bonheur console enfin la vertueuse compagne de ma destinée,