Page:Œuvres complètes de Maximilien de Robespierre, tome 1.djvu/181

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un acte de courage, vous voulez épargner un crime à la justice ; mais peut-être vous ne voyez pas tous les dangers auxquels vous vous exposez, tous les chagrins qui vous attendent. On va vous taxer de présomption et de témérité ; on ira même jusqu’à vous accuser d’être l’ennemi de la magistrature ; la calomnie réunira tous ses efforts pour vous perdre.

Mais, malheur à celui qui calcule froidement ce qu’il doit lui en coûter pour faire le bien ! De pareilles considérations ne sont point faites pour ralentir le zèle de M. DUPATY. Il ne balance point entre une action vertueuse et des difficultés à vaincre ; il n’examine point ce qu’il a à craindre, il ne voit que le glaive de la justice suspendu sur des têtes innocentes ; il jure de faire tous ses efforts pour détourner ce glaive funeste, dût-il exposer son repos, sa vie même. Ses yeux ne sont fixés que sur le sort des malheureux qui lui ont inspiré un intérêt si vif et si tendre.

Déjà convaincu de leur innocence, il se méfie encore de ses lumières. Il craint que son cœur ne l’abuse. Il veut les voir et les entendre. Il descend dans ces demeures souterraines où l’innocent est souvent confondu avec le coupable. Il les approche, il les rassure, il les interroge, il consulte leurs regards ; il lit dans leur pensée, il sonde leurs cœurs flétris par l’injustice et les revers : au lieu des remords du crime, il n’y trouve que le calme et la sécurité d’une conscience sans reproche. Son ame s’ouvre alors à toutes les émotions de la sensibilité : en vain il veut retenir les larmes qui roulent dans ses yeux. « Mes amis, mes amis ! leur dit-il, que l’espérance ne vous abandonne point ; encore un peu de patience et de courage, et la fin de vos maux approche ».

Ô digne ami de l’humanité ! quel mortel mérita plus que vous nos respects et nos hommages ! Vous vous attendrissez à la vue des infortunés ; vous répandez des pleurs sur leur triste destinée ; vous les appelez vos amis, tandis que tout le monde les abandonne et les repousse. Ah ! que ces hommes durs qui n’ont jamais senti la pitié, viennent donc apprendre de vous à respecter le malheur, à ne point dé-