Page:Œuvres complètes de Maximilien de Robespierre, tome 1.djvu/45

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spécieux[1] notre injustice à l’égard des pères[2] ; comment pourrions nous l’excuser envers les autres parens des coupables[3] ? quelle authorité le frère a-t-il pour corriger le frère ? quelle puissance le fils éxerce-t-il sur son père ? et la tendre, la timide, la vertueuse épouse, est-elle criminelle[4] pour n’avoir pas réprimé les excès du maitre, auquel la loi l’a soumise ? de quel droit portons nous le désespoir dans son cœur abattu ? de quel droit la forçons-nous à cacher, comme un douloureux témoignage de sa honte, les pleurs mèmes que lui arrache l’excès de son infortune ?

J’ai cherché vainement de quelle apparence d’utilité, on pouvoit colorer l’injustice du préjugé que je combats ; mais je suis moins embarrassé à découvrir les maux innombrables qu’il traine aprèz lui.

Pour bien les apprécier, il faudroit pouvoir suspendre un moment l’impression de l’habitude qui nous l’a rendu trop familier, et le considérer en quelque sorte dans un point de vue plus éloigné.

Je suppose donc qu’un habitant de quelque contrée lointaine, où nos usages sont inconnus, aprèz avoir voyagé parmi nous, retourne vers ses compatriotes et leur tienne ce discours :

J’ai vu des pays où règne une coutume singulière ; toutes les fois qu’un criminel est condamné au supplice, il faut que plusieurs autres[5] citoiens soient deshonorés : ce n’est pas qu’on leur reproche aucune faute ; ils peuvent être justes, bienfaisans, généreux ; ils peuvent posséder mille talens et mille vertus ; mais ils n’en sont pas moins des gens infames : avec l’innocence, ils ont encore les droits les plus touchans à la commisération de leurs concitoiens ; c’est, par exemple, une famille désolée, à qui l’on arrache son chef et son appui, pour le trainer à l’échaffaut : mais[6] on juge qu’elle

  1. Éd. de 1985 : nous pourrions pallier par ce frivole prétexte
  2. injustice envers les pères.
  3. comment la justifierons-nous à l’égard des autres parens du coupable.
  4. coupable
  5. autres deest
  6. mais deest.