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PREMIÈRE NARRATION DE ROBERVAL SUR LE VIDE

l'escuelle au fond de cette eau, il retire son doigt qui bouchoit l'entrée de la sarbatane, de laquelle aussy tost une partie du mercure sort et se mesle dans l'escuelle sous l'eau à l'autre mercure, de sorte que la sarbatane paroist vuide environ jusques au milieu ; et le Capucin dit qu'il a démontré la possibilité du Vuide, puisque la sarbatane estoit plaine de mercure et que la moitié de ce mercure est sorty de la sarbatane sans qu'aucun autre corps y ait peu entrer. Que cela ne soit, dit-il : sy un autre corps avoit pris la place du mercure qui est sorty ce seroit ou de l'aer ou de l'eau ; sy c'estoit de l'eau, on la verroit et puis il faudroit que contre sa nature, elle eut chassé le mercure de l'escuelle pour se faire un chemin pour entrer dans la sarbatane qui est encore a demy plaine du mercure ; et en fin on la verroit, et en tirant la sarbatane hors de l'eau et du mercure promptement on void qu'il n'y a point d'eau du tout dans la sarbatane. Reste à dire que c'est de l'aer qui s'est mis en la place du mercure qui est sorty ; mais par où est entré cet aer? il n'est pas, contre sa Nature, descendu dans l'eau qu'il faudroit qu'il eut pénétrée et en suitte le mercure de l'escuelle pour s'aller mettre dans la sarbatane; il faut, disent quelques uns, qu'il y soit entré par les pores du vaire ; mais si les pores du vaire ont donné entrée à l'aer pour remplir la moitié de la sarbatane, pour quoy ne luy permettent ils pas d'entrer pour la remplir entièrement et laisser aller ce reste de mercure qui suivant sa nature très pesante voudroit desja estre en bats? D'autres disoient que lors qu'on avoit porté le bout de la sarbatane dans l'eau et dans le mercure l'aer avoit suivy la main et s'estoit glicé subtillement parmy le mercure pour entrer dans la sarbatane quand cet portion du mercure en estoit sortie. D'autre disoient que le mercure estoit spongieux et par conséquent accompagné d'aer, et que se trouvant avec le mercure enfermé dans la sarbatane il avoit pris la partie de dessus. D'autres encore donnoient des raisons plus crotesques qui n'estant pas véritablement les vrayes je n'en diré pas davantage, car s'il y eut eu de l'aer comme disoit le Capucin, un

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