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TREIZIÈME PROVINCIALE 41

puis qu’il n’ont rien de commun? Quel droit cela vous donne-t’il de m’appeller Imposteur? Ay-je dit que tous vos Peres sont dans un mesme déreglement? Et n’ay-je pas fait voir au contraire que vostre principal interest est d’en avoir de tous avis pour servir à tous vos besoins? A ceux qui voudront tuer, on presentera Lessius ; à ceux qui ne 1 le voudront pas, on produira Vasquez; afin que personne ne sorte mal content, et sans avoir pour soy un auteur grave. Lessius parlera en payen de l’homicide, et peut-estre en Chrestien de l’aumosne : Vasquez parlera en payen de l’aumosne, et en Chrestien de l’homicide. Mais par le moyen de la probabilité que Vasquez et Lessius tiennent, et qui rend toutes vos opinions communes, ils se presteront leurs sentimens les uns aux autres, et seront obligez d’absoudre ceux qui auront agi selon les opinions que chacun d’eux condamne.

C’est donc cette varieté qui vous confond davantage. L’uniformité seroit plus supportable ; et il n’y a rien de plus contraire aux ordres exprés de S. Ignace et de vos premiers Generaux, que ce mélange confus de toutes sortes d’opinions. Je vous en parleray peut-estre quelque jour, mes Peres 2 : et on sera surpris de voir combien vous estes décheus du premier esprit de vostre institut ; et que vos propres Generaux ont

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1. B. voudront pas [tuer],

2. Pascal n’en a pas parlé ; mais nous avons sur ce sujet quelques notes prises en vue des Provinciales, cf. Pensées, fr. 956 sqq., T. III, p. 389 à 393. Vide supra p. 13 sq., les textes auxquels Pascal fait allusion et que donne la Réponse de l’Université de Paris à l’Apologie pour les Jésuites. Voir aussi un texte postérieur d’Arnauld, supra p. 14, n. I.