Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 12, 1838.djvu/345

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« Eh bien, mes maîtres, » dit-il d’un ton qui participait de ces trois émotions, « quelle conduite tenez-vous ? Êtes-vous des Turcs ou des chrétiens, pour porter ainsi la main sur un membre de l’Église ? Savez-vous ce que c’est que manus imponere in servos Domini[1] ? Vous avez pillé mes malles, déchiré mon rochet bordé de dentelle, qui était digne d’un cardinal. Tout autre à ma place vous aurait déjà foudroyés par son excommunicabo vos[2] ; mais je suis doux et clément, et si vous me rendez mes palefrois et mes malles, si vous remettez en liberté les frères qui m’accompagnaient, si vous envoyez promptement cent pièces d’argent pour faire dire des messes au maître-autel de l’abbaye de Jorvaulx, et si vous faites vœu de ne point manger de venaison d’ici à la Pentecôte prochaine, il est possible que vous n’entendiez point parler de cette incartade.

— Vénérable pasteur, dit le chef des outlaws, ce serait avec un véritable chagrin que j’apprendrais qu’aucun homme de ma troupe vous ait fait éprouver un traitement qui lui attire votre réprimande paternelle.

— Traitement ! » répéta le prieur encouragé par ce ton de douceur ; « ils m’ont traité comme on ne traiterait pas un chien de bonne race, encore moins un chrétien, bien moins encore un prêtre, et moins que tout cela le vénérable prieur de la sainte communauté de Jorvaulx. Vous avez ici un profane et ivrogne de ménestrel, appelé Allan-a-Dale, nebulo quidam[3], qui m’a menacé de punition corporelle ; que dis-je ! de mort même, si je ne payais comptant quatre cents couronnes pour ma rançon, indépendamment de tout mon bagage qu’il m’a volé, de chaînes d’or, de bagues, de bijoux dont je ne saurais vous dire la valeur ; sans compter tout ce qui a été brisé et gâté par leurs mains rudes et grossières, entre autres ma poudrière et mes pinces d’argent.

— Il n’est pas possible qu’Allan-a-Dale ait traité de la sorte un personnage aussi respectable, répliqua le capitaine.

— Cela est pourtant aussi vrai que l’évangile de saint Nicodème. Il m’a menacé, en faisant les jurements les plus affreux dans son langage du Nord, de me pendre à l’arbre le plus élevé de la forêt.

— Est-il vrai, mon révérend père ? En ce cas, vous ne sauriez mieux faire que de vous soumettre ; car il n’y a pas d’homme plus

  1. Mettre la main sur les serviteurs de Dieu. a. m.
  2. Je vous excommunierai. a. m.
  3. Un drôle, un polisson. a. m.