Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 4, 1838.djvu/282

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occupe l’esprit d’un brave vieux soldat. Dans notre dernier malheur, pour ne pas rappeler de plus anciennes preuves de sa fidélité, pouvait-il avoir de mauvaises intentions, quand jetés par un naufrage sur les côtes du pays de Galles, la mort eût été notre partage, si le Cymri eût reconnu en moi le connétable de Chester, et en toi son fidèle écuyer, l’exécuteur de ses ordres contre les Gallois en plusieurs circonstances ?

— J’avoue, dit Philippe Guarine, que notre mort eût été infaillible, si l’ingénuité de cet homme ne nous eût fait passer pour des pèlerins, et par conséquent il nous a servi d’interprète, mais à ce titre il nous a empêchés d’avoir des renseignements sur ce qui s’est passé ici, ce qu’il importait beaucoup à Votre Seigneurie de connaître, et, il faut l’avouer, cette conduite est suspecte.

— Tu es toujours un sot, Guarine, dit le connétable ; car, enfin, si Vidal eût été notre ennemi, pourquoi ne nous aurait-il pas nommés aux Gallois, ou ne nous aurait-il pas laissés nous trahir en leur faisant voir que nous savons un peu leur jargon ?

— Eh bien, milord, je puis être réduit au silence, mais je ne suis pas satisfait. Quelque belles paroles qu’il puisse dire, quelque beaux airs qu’il puisse prendre, Renault Vidal ne sera jamais à mes yeux qu’un homme noir et suspect, dont les traits sont toujours prêts à se mouler suivant la manière la plus convenable pour inspirer la confiance, la langue toujours prête à proférer les paroles les plus flatteuses et les plus agréables, et à affecter une simplicité artificieuse ou une honnêteté brusque ; son œil, lorsqu’il ne se croit pas observé, contredit toutes les expressions qu’il a su donner à ses traits, toutes les protestations d’honnêteté, et toutes les paroles de courtoisie ou de cordialité que sa bouche a proférées. Mais je n’en parlerai plus, seulement je suis un vieux chien de bonne race ; j’aime mon maître, mais je ne puis souffrir quelques-uns de ceux qu’il favorise ; et je crois voir là-bas venir Vidal qui nous donnera tous les détails qu’il lui plaira. »

On voyait effectivement un cavalier s’avancer au grand trot dans le sentier vis-à-vis Kist-vaen, et son vêtement, dans lequel on remarquait quelque chose d’oriental, joint au costume fantastique que portaient ordinairement les hommes de sa profession, fit connaître au connétable que le ménestrel dont ils venaient de parler approchait d’eux rapidement.

Quoique Hugo de Lacy ne rendît à ce serviteur que la justice