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Pages intimes 1914-1918/1

La bibliothèque libre.
Des presses de Vromant & Co, imprimeurs (p. 5-6).




À LA TERRE BELGE


Certes le sang rhénan qui dans mes veines passe
M’a fait jadis l’enfant lointain d’une autre race,
Et je garde vivant, indéfectible et fier,
Le culte filial des disparus d’hier.
Mais le sang n’est pas tout et mon âme est pétrie
De tes sucs maternels, de ton levain sacré,
Terre où je vis le jour, terre de ma patrie ;
En tes replis mon cœur sans partage est ancré.
De tes champs, de tes bois, de ta brise marine
L’air régénérateur a gonflé ma poitrine ;
De tes maîtres, j’appris ton passé glorieux,
Si bien que tes héros devinrent mes aïeux !
Nos enfants ont grandi sur ton sol tutélaire ;
Celle qui les conçut et qui les a nourris
En eux a déversé la haine séculaire
Du joug de l’étranger, la haine et le mépris.

Le livre de ma vie, en de nombreuses pages,
Atteste les bienfaits que tu nous as valus ;
Tu m’admis à siéger dans tes aéropages,
Parmi ceux de tes fils qui t’honorent le plus.
Voici l’heure où se joue, hélas ! ta destinée ;
De mes bras défaillants comment te secourir ?
Terre de ma patrie, ô mère infortunée,
Te revoir libre enfin, vivre libre ou mourir !


1915.