Panthéon égyptien/24

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Panthéon égyptien, collection des personnages mythologiques de l'ancienne Égypte, d'après les monuments
Firmin Didot (p. 51-52).

PHTAH-SOKARI.

(socharis.)
Planche 10

Les écrivains de l’antiquité, soit grecs soit latins, ont été jusques ici les seuls guides pour les savants modernes qui se sont occupés des mythes de l’ancienne Égypte. Ceux d’entre eux qui ont voulu se former une idée exacte de cette religion, que tout concourt à présenter comme la source d’une grande partie de la croyance des Grecs, ont recueilli avec soin les divers passages des auteurs classiques relatifs aux différentes divinités égyptiennes ; mais lorsqu’ils ont voulu coordonner ces matériaux, il n’en est résulté qu’une nomenclature assez bornée, et une courte série de récits mystiques appliqués confusément à plusieurs personnages différents, dont les noms, le rang, et la filiation, n’ont d’ailleurs entre eux aucune espèce de rapport.

Cette incohérence et la confusion qui règne dans les dires des auteurs grecs et latins sur le culte de l’Égypte, démontraient assez la nécessité de suspendre toute opinion à cet égard, jusqu’à ce que de nouvelles lumières pussent éclairer ce point si ténébreux des recherches historiques. Les monuments seuls pouvaient les produire ; et l’étude des innombrables restes de l’art égyptien, qui grava sur la pierre les images des dieux, leurs noms en écriture sacrée, et très-souvent aussi leur généalogie, doivent nécessairement devenir nos meilleurs guides. En recueillant avec soin les faits nouveaux que présentent, avec profusion, ces produits de la sculpture Égyptienne, nous pouvons espérer de saisir enfin l’ensemble et les principaux détails du système religieux de l’Égypte, système immense, dont l’antiquité classique ne nous a transmis qu’une esquisse partielle et incomplète à tous égards.

La certitude déja acquise que les légendes qui, sur les bas-reliefs et les peintures, accompagnent les images des dieux, contiennent les noms propres de ces mêmes dieux, et la découverte de l’écriture hiéroglyphique phonétique[1], sont des moyens puissants qui doivent jeter un grand jour sur cette matière. Par la connaissance des noms hiéroglyphiques des divinités, et même par le moyen de ceux dont le nom nous serait encore inconnu, nous reconnaîtrons qu’une foule d’images divines, qui n’ont rien de commun ni dans leur forme ni dans leurs attributs, représentent cependant une seule et même divinité, considérée toutefois dans des fonctions diverses, puisque leurs noms propres et leur filiation sont absolument les mêmes. Le personnage gravé sur cette planche offre un exemple de cette particularité.

La tête de ce dieu est celle d’un épervier, que surmonte une coiffure particulière, consistant dans la partie supérieure de la coiffure pschent, flanquée de deux appendices de couleurs variées. Le nom hiéroglyphique de cette divinité est tantôt Ⲡⲧϧ, Phtah, tantôt ⲥϭⲣⲓ, Socari, Socri, mais plus ordinairement Ⲡⲧϧ-ⲥϭⲣⲓ Ptah-Socari (A).

Ces légendes nous signalent ici une nouvelle forme du dieu Phtah (pl. 9.), l’organisateur du monde, et nous reconnaissons, de plus, l’identité des deux personnages, à la ressemblance de leur habillement étroit et de leurs sceptres. Phtah-Socari tient de plus, dans ses mains, un fouet comme son père, Amon-Générateur. Il est très-probable que le dieu égyptien Σοχαριςς, mentionné dans un vers de Cratinus[2], n’est autre que le Phtah-Socari figuré sur notre planche.

Phtha-Socari à tête d’épervier, n’est qu’une forme de Phtha considéré comme réglant les destinées des ames qui abandonnent des corps terrestres, afin d’être réparties dans les 32 régions supérieures. C’est pour cela que l’image de ce dieu se trouve toujours dans les grands rituels funéraires, les catacombes royales, et les peintures qui décorent les cercueils et les diverses enveloppes des momies[3].


Notes
  1. Voyez ma Lettre à M. Dacier relative à l’Alphabet Phonétique.
  2. Hesychius, au mot Πααμυλης.
  3. Voyez la Description de l’Égypte, Antiq., vol. II, pl. 65 ; et les bas-reliefs du tombeau royal découvert par Belzoni.

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