Panthéon égyptien/46

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Panthéon égyptien, collection des personnages mythologiques de l'ancienne Égypte, d'après les monuments
Firmin Didot (p. 101-102).

EMBLÊMES D’HATHÔR.

(la vénus égyptienne.)
Planche 18 (A)

Cette planche est un calque fidèle, mais un peu réduit, du registre supérieur d’une stèle d’adoration peinte, qui, provenant de la collection Drovetti, fait aujourd’hui partie du Musée royal égyptien de Turin. On y trouve réunis les principaux symboles de l’une des plus grandes divinités de l’Égypte, Hathôr, que les Grecs assimilaient à leur Aphrodite. Quatre colonnes d’hiéroglyphes, peints en bleu, avertissent que les trois figures emblématiques se rappоrtеnt à ϧⲇⲑⲱⲣ ⲧⲛⲑⲃ ⲱⲧⲫ ⲃⲇⲁ (ⲛ) ⲣⲏ ⲑⲥϧⲙ ⲡⲑϥⲱⲧⲛ ⲧⲛⲑⲃ ⲡⲑⲧⲡⲑ ϩⲛⲧ (ⲛ) ⲛⲑⲛⲟⲩⲧⲑ ⲛⲓⲃⲓ : Нathôr surnоmmée Nevôthph (dame des offrandes), œil du Soleil, résidant dans son disque, dame du ciel, rectrice de tous les dieux.

Le premier de ces emblêmes, celui que l’on trouve reproduit sur des monuments de tout genre, est la tête de face, peinte en jaune et dont les oreilles sont celles d’une vache. Ce dernier trait rappelle directement les images de la déesse représentée avec une tête de vache[1], ainsi que la vache sacrée son image vivante dans certains temples de l’Égypte. Sous cette forme Hathôr nous paraît avoir été un symbole de la terre cultivée et fertile, ce que semble concourir à prouver en même temps, le nom même de la déesse, Hathôr, la demeure mondaine d’Horus[2], nom auquel font également allusion et le modius rouge et l’édifice qui sur montent cette tête emblématique. La forme presque triangulaire de la face dénote dans l’artiste l’intention de se rapprocher le plus possible du galbe d’une tête de vache.

Le second emblême représenté sur la stèle de Turin, posé, comme le premier, sur un piédestal, est une tête de femme à oreilles humaines, coiffée du vautour, et le front orné de l’uræus royal. Le modius peint, symbole de l’abondance, est placé au-dessus du vautour qui rappelle la fécondité maternelle. C’est encore ici une des têtes de la déesse Hathôr et cette même coiffure avec tous ses insignes est celle que prennent de préférence, par allusion à la déesse, la plupart des reines égyptiennes figurées sur les grands monuments. L’ornement peint en jaune et qui se termine par un disque aplati orné de fleurons, est un contre-poids ou agrafe de collier, lequel retombait entre les deux épaules comme on peut le voir sur la planche numérotée 17 (B) ; elle représente la déesse Hathôr tenant aussi dans ses mains l’autre espèce de collier peint en verd et figuré au bas du piédestal qui soutient la seconde tête emblématique.

Ces objets de parure démontrent en même temps que, dans les idées égyptiennes, la déesse Hathôr présidait à la beauté et à la toilette ainsi que l’Aphrodite grecque et la Vénus des Romains ; et c’est ici le lieu de remarquer, en effet, que la plupart des colliers de femmes trouvés dans les tombeaux égyptiens, consistent en de très-petits amulettes de terre émaillée, d’émail pur, de porcelaine, de cornaline ou d’autres pierres dures, représentant d’un côté des animaux différents ou des fleurs en relief, et presque toujours de l’autre, la tête symbolique de la déesse Hathôr, gravée en creux et entourée d’uræus ou de feuillages diversifiés.

Les emblêmes de la déesse représentés sur la stèle que nous publions ici, sont très-multipliés dans les temples spécialement consacrés à Hathôr, tels que le grand temple de Dendéra, celui de Philæ, et les petits temples d’Ombos et du sud au Memnonium.

C’est la première de ces têtes symboliques qui forme les chapiteaux des colonnes de tous ces édifices et des pilastres du temple du Memnonium[3], et les chapiteaux du petit appartement construit sur la plate forme du grand temple de Dendéra et dans lequel existait le zodiaque circulaire[4]. On la retrouve enfin dans les décorations des portes, des corniches, des entre-colonnements, et sur une foule de bas-reliefs : tantôt surmontée du disque et des cornes de vache, comme déesse nourricière, tantôt flanquée d’uræus ornés des coiffures qui expriment la domination sur les régions d’en haut et les régions d’en bas[5] ; et presque habituellement cette tête pose sur le caractère symbolique exprimant l’idée or et splendeur ; ce qui rappelle involontairement l’idée de la χρυσῆς Ἀφροδίτης (Veneris aureæ) d’Homère.


Notes
  1. Voyez la planche no 18.
  2. Voyez l’explication de la planche 17.
  3. Description de l’Égypte, A., vol. II, pl. 34, nos 7 et 8.
  4. Description de l’Égypte, A., vol. IV, pl. 11, nos 1 et 2.
  5. Description del’Égypte, A., vol. II, pl. 34 ; vol. IV, pl. 13, nos 1 et 3 ; pl. 15, pl. 17 ; pl. 22, no 1 ; pl. 25, nos 1 et 2, etc., etc.

——— Planche 18 (A) ———