Panthéon égyptien/47

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Panthéon égyptien, collection des personnages mythologiques de l'ancienne Égypte, d'après les monuments
Firmin Didot (p. 363-364).

ANOUKÉ.

(anucis, istia, estia, vesta.)
Planche 19

Les savants qui, jusques ici, se sont occupés de la mythologie des Égyptiens, ont cru que ce peuple ne connut jamais de divinité dont les fonctions eussent quelque analogie avec l’Estia des Grecs, la Vesta des Romains ; ils appuyaient leur opinion sur l’autorité d’Hérodote, qui a dit, en effet, que les noms de Héra et d’Istia furent inconnus aux Égyptiens[1]. Mais le père de l’histoire ne parle que des noms seulement, sans prétendre ni même insinuer que les Égyptiens n’adorassent point de déesse dont les attributions eussent certains rapports avec celles de Héra et d’Istia dans l’Olympe grec.

L’existence, dans l’ancienne religion égyptienne, d’une déesse que les Grecs, à tort ou à raison, assimilèrent à leur Estia, est d’ailleurs prouvée par le témoignage formel de Diodore de Sicile[2], qui nomme Estia parmi les divinités de l’Égypte.

L’importante inscription grecque découverte aux Cataractes, lève d’ailleurs toute incertitude à cet égard, car ce texte curieux nous apprend non-seulement que la déesse Estia était adorée dans le temple égyptien de l’île sainte de Sètès, mais il nous fait connaître encore le nom égyptien de cette déesse ; la dédicace porte en effet ΑΝΟΥΚΕΙ ΤΗΙ ΚΑΙ ΕΣΤΙΑΙ, À Anoukis, qui est aussi Estia. Cette précieuse synonymie a suffi pour conduire à distinguer sur les monuments égyptiens, les images de la déesse Anouké ou Anouki, personnage mythique dans lequel les Grecs du temps d’Évergète II, croyaient retrouver Estia, une de leurs divinités nationales.

Dans l’inscription des Cataractes, Anouké est immédiatement nommée après le Démiurge Ammon-Cnouphis et après Saté, le Jupiter et la Junon des Égyptiens ; Osiris, Cronos et Hermès, ne sont mentionnés qu’après elle ; et cela seul prouve le haut rang d’Anouké dans le panthéon égyptien.

Divers bas-reliefs offrent la représentation complète de tous les personnages de la famille d’Ammon ; parmi eux se trouve la déesse figurée sur cette planche, et son nom hiéroglyphique (A), composé de trois caractères phonétiques, suivis du signe de genre et du caractère d’espèce déesse, se lit Ⲁⲛⲕ ⲧ (ⲛⲟⲩⲧⲉ) Ank ; c’est l’orthographe égyptienne du nom divin que les Grecs ont écrit Άνουκις, en ajoutant une finale grecque.

Les chairs de la déesse Anouké sont habituellement peintes en rouge ; sa coiffure, la partie supérieure du pschent, est flanquée de deux cornes, et le sceptre qu’elle tient dans sa main est terminé par une fleur de lotus épanouie. Les ailes que les Égyptiens attribuèrent à la plupart de leurs déesses du premier et du second ordre, sont ici reployées, et enveloppent les parties inférieures du corps d’Anouké.

Cette divinité, qui paraît avoir été fille d’Amon-Cnouphis, est sa compagne assidue dans beaucoup de bas-reliefs religieux ; un tableau sculpté sous le portique du grand temple de Philæ, représente Ptolémée Évergète II offrant l’encens à Cnouphis et à la déesse Anouké assis sur leurs trônes. Dans le temple de Cnouphis à Éléphantine, la déesse présente elle-même au dieu le pharaon Aménophis II ; plus loin, cette déesse accompagne Ammon-Cnouphis, auquel le roi fait l’offrande de quatre taureaux[3].

J’ai recueilli sur une stèle un second nom hiéroglyphique (B) de la Vesta égyptienne ; mais celui-ci se rapporte plus spécialement à un emblême de la déesse, dont il sera question dans la suite.


Notes
  1. Hérod., liv. II, §. 50.
  2. Diod. de Sicile, liv. I, §. 13.
  3. Description de l’Égypte, Antiquités, vol. I, pl. 37, no 1.

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