Panthéon égyptien/60
L’ÉPERVIER,
Parmi les images d’animaux sacrés, figurées sur les monuments égyptiens de toutes les époques, celles de l’épervier sont, sans aucun doute, les plus multipliées ; et cela vient de ce que cet oiseau fut à la fois l’emblême de plusieurs divinités différentes. Aussi le trouve-t-on représenté au revers des médailles de neuf des Nomes de l’Égypte, soit seul, soit placé sur la main d’un grand nombre de personnages mythiques dont les attributions furent cependant bien distinctes. Mais alors l’épervier porte toujours des insignes particulières, lesquelles caractérisent, d’une manière très-précise, chacune des divinités dont il devient successivement le symbole.
Selon les préjugés populaires, cet oiseau affectionnait particulièrement l’Égypte, et si nous écoutons Ælien, « les Égyptiens choisissaient deux éperviers pour les envoyer observer les îles désertes de la Libye ; les Libyens célébraient ce voyage par une fête, et les deux oiseaux se fixaient dans celle des îles qui leur paraissait la plus convenable ; là, ils faisaient leurs petits en sûreté, chassaient aux moineaux et aux colombes ; enfin, lorsque leurs petits étaient assez forts pour voler, ils les reconduisaient en Égypte comme dans leur véritable patrie[1]. » On savait aussi que cet oiseau est susceptible de s’attacher par les bienfaits ; les Égyptiens les captivaient par la douceur des mets ; ainsi apprivoisés, les éperviers devenaient très-familiers et ne faisaient jamais de mal à ceux qui leur avaient prodigué de si bons traitements[2]. Ils rendaient d’ailleurs, disait-on, de véritables services à l’homme en détruisant les cérastes, les scorpions et autres petites bêtes venimeuses[3].
C’est à cause de ces bienfaits envers la terre d’Égypte qu’il purgeait du reptile le plus dangereux, et parce que l’on citait la fécondité et la longévité de cet oiseau, qu’il devint d’abord pour les Égyptiens le signe symbolique de l’idée Dieu[4]. Mais supposant aussi que l’épervier était d’une nature ignée, comme le Soleil, et très-destructeur, comme ce même dieu à la colère duquel ils attribuaient les maladies pestilentielles[5] ; persuadés enfin que seul d’entre les êtres vivants, l’épervier avait la faculté de fixer ses yeux sur le disque éblouissant du Soleil, ils le consacrèrent d’abord à cette grande divinité qu’ils représentaient emblématiquement sous la forme même d’un épervier[6].
Cet oiseau de proie fut ainsi introduit dans les sanctuaires de l’Égypte, comme une image vivante du dieu Phré ou le Soleil personnifié. Sa représentation est reproduite dans des poses très-variées, soit sur les bas-reliefs qui décorent les grands édifices de l’Égypte, soit dans les peintures des catacombes et des cercueils de tous les âges. Mais partout l’épervier, emblème de Phré, est spécialement caractérisé par une image du disque solaire placé sur sa tête, ainsi qu’on le voit dans notre planche 24 (D), extraite des riches peintures qui couvrent l’enveloppe intérieure d’une momie du cabinet de M. Durand.
C’est ce disque souvent orné de l’uræus, qui distingue l’épervier symbole du Soleil, roi du monde physique, des divers éperviers sacrés, emblêmes de la déesse Hathôr et des dieux Phtah-Sokari, Mandoulis, Aröeris, Horus, etc., etc. On doit remarquer aussi que l’épervier, la tête surmontée du disque, forme, dans l’écriture hiéroglyphique, le nom symbolique du Soleil.
Les légendes gravées sur notre planche 24 (D), sous les nos 1, 2, et 4, sont communes au dieu Phré et à l’épervier son emblème : la première, le Soleil-Dieu, est symbolico-figurative ; la seconde est purement symbolique, le Soleil ; la troisième est formée du nom phonétique du Soleil RÉ, suivi du nom symbolique ; la quatrième est la forme hiératique des légendes hiéroglyphiques 1 et 2.
Ceux d’entre les Égyptiens qui avaient une dévotion particulière pour le dieu Phrè, nourrissaient avec soin des éperviers ; aussi a-t-on découvert assez fréquemment dans les catacombes de l’Égypte, des momies de ces oiseaux préparées avec une certaine recherche.
- ↑ Ælian., de Naturâ animal., lib. II, cap. 43.
- ↑ Idem., lib. IV, cap. 44.
- ↑ Euseb., Præpar. Evangel., lib. II, §. 1.
- ↑ Clément d’Alexandrie, Strom., liv. V, pag. 566 d. — Horapollon, Hiéroglyph., liv. I, §. 6.
- ↑ Idem., Strom., liv. V, pag. 567.
- ↑ Horapollon, Hiérog., liv. I, §. 6.